La Roche-en-Ardenne commémore le 75e anniversaire de la libération définitive de la Ville
Ce samedi 18 janvier 2020, j’ai eu l’honneur de participer aux commémorations du 75e anniversaire de la libération définitive de La Roche-en-Ardenne. J’ai été fort impressionné par le professionnalisme du 4e Bataillon du Génie commandé par le Major Olivier Rousseau.
Cet officier, qui a participé à trois missions extérieures, possède une grande expertise en matière d’identification des armes CBRN (chimique, biologique, radiologique et nucléaire). Une expertise sollicitée par le Centre de Crise après les attentats de Bruxelles et Paris afin de réécrire les plans d’urgence dans une logique d’attentat.
Toutes mes félicitations au 4e Bataillon du Génie pour l’excellence de la prestation et merci à la Musique Royale de la Force aérienne belge dirigée par Dominique Lecomte.
Le 4e Bataillon du Génie d'Armée "Namur" est créé à Heist-sur-Mer le 07 avril 1945. Il est dirigé vers l'Allemagne occupée. Il est transformé en régiment de Génie de Corps d'Armée le 1er juin 1948
En décembre 1951, le 4e Bataillon du Génie s'installe à Westhoven, près de Cologne. Il est attaché au 1er Corps belge en Allemagne et comporte une compagnnie EMS et trois compagnies de combat. Avec les 5e et 12e Génie, il fait partie du 1er Groupement du Génie de Combat jusqu'en 1960.
Le 4e Génie revient en Belgique, au camp d'Amay, le 17 septembre 1963 mais reste toutefois affecté au 1er Corps. Le 1er décembre 1968, il passe aux ordres du 4e Groupement du Génie des Forces de l'Intérieur. Il comporte dès lors une compagnie EMS et deux compagnies Génie.
Le 16 décembre 1944, l'offensive Von Rundstedt est lancée. Le 20 décembre, Samrée, position clé dans la route La Roche-Baraque de Fraiture tombe. Les Allemands s’y emparent d’un dépôt d’essence. A La Roche-en-Ardenne, Les premiers coups de canons se font entendre. La première victime -malheureusement d’une trop longue série- vient de tomber. Il s’agit du père Benoît Liégeois. Il est touché par un éclat d’obus : « La nouvelle de sa mort bouleversa toute la population. Figure sympathique et attachante, nous étions émerveillés, mieux, enthousiasmés (…) Il se préparait à partir au bout du monde dans les missions difficiles et froides du Pôle Nord. Un gars de la Roche, qui partait porter l’Evangile au bout du monde, ça remuait les jeunes de notre génération » note l’abbé Eugène Dalcette, en 1985.
Les éléments de maintenance de la 7ème division blindée US qui occupent La Roche-en-Ardenne, eux, se replient sur Marche-en-Famenne. Bien qu’il ait été prévu de faire sauter le pont, les derniers éléments américains quittent la ville sans exécuter ce « travail ». Dans la nuit du 21 au 22 décembre 1944, les premiers chars de la 116ème Panzer entrent dans la ville. Devenus vitaux, les deux ponts de la ville doivent être détruits : le 26 décembre 1944, vers neuf heures du matin, une première vague d’avions bombarde le Faubourg. Si la guerre des ponts est en train de se gagner, la ville va en payer le prix fort : La Roche-en-Ardenne sera, en quelques jours, rayée de la carte. Le Colonel Engels note, à ce sujet : « Cette vallée de l’Ourthe supérieure devait être condamnée au transvasement allemand du sud vers le nord ou du nord vers le sud. Les ponts n’avaient pas sauté. Leurs routes d’accès étant en lacets, les bombes détruisaient les maisons… ». L’historien officiel de l’US Army, Hugh M. Cole souligne également le but de ces bombardements : « Un simple (sic) bombardement d’un millier de tonnes sur La Roche pendant deux jours arrêta tout mouvement majeur de l’ennemi dans ce secteur (cette ville se trouve au fond d’une gorge et n’est accessible que par des défilés abrupts) ».
Pour les civils, c’est l’enfer. Au total, la ville connaitra trois vagues de bombardements. Dans son journal, Suzanne Brasseur, témoin des faits, explique bien l’angoisse des Rochois restés dans la cité lors des bombardements : « Les bombes tombent sur le château des Aglires. Notre calvaire continue. Des bombes de 7 à 900 kg allaient tomber. Nous apprenons que le bâtiment Marquet où se sont réfugiés des Rochois est aussi abattu. Il y a aussi des tués –des familles entières disparues à jamais- Les gens se sont réfugiés dans les extrémités rochoises : Harzé, les deux Strument, la tannerie, Halleux, les Merlettes, Villez, Borzée, Hives… ». Les témoignages sont nombreux. La ville est plongée dans un climat indescriptible : « L’attaque aérienne sur la ville, imprévue, incompréhensible pour nous, avec ses ravages, ses incendies, ses morts, ses blessés, devait engendrer la panique. Des groupes hagards se soutenaient mutuellement, erraient dans les rues en ne sachant quelle direction prendre, ces malheureux portaient un ballot avec une couverture sur l’épaule, poussaient parfois devant eux une charrette à bras, une brouette sur laquelle un malade, une personne âgée, un blessé gémissant avait trouvé place »souligne Jean Lefevre. Témoin privilégié, le correspondant de guerre M.G. Levy fait, lui aussi, un amer constat en pénétrant dans La Roche-en-Ardenne : « Le spectacle de La Roche était bouleversant. Certes, les terriens savaient que pour aider leur action, l’aviation avait dû bombarder La Roche…mais personne ne s’attendait à une telle désolation ; vraiment, la ville n’existait plus. Quelque cent mille obus et trois cents bombes s’étaient écrasés sur elle. Trois cent cinquante maisons détruites, deux cent et quinze étaient endommagées… Il en restait quatre intacte, il y avait cent dix-sept morts et huit blessés graves. A la place de la charmante villette, on découvrait un val d’enfer ». Cité martyre, La Roche-en-Ardenne sera parrainée par les villes d’Ath et de Huy.
Sur le plan militaire, la contre-offensive alliée est lancée début janvier 1945. Le 11 de ce mois, Américains et Britanniques font leur jonction à La Roche-en-Ardenne. Les troupes US appartenant à la 84ème division d’infanterie « Railsplitters » venaient de la rive droite de l’Ourthe. Les Britanniques issus de la 51st Highland Division et plus particulièrement des « Black Watch » s’étaient chargés de l’autre rive. La Roche-en-Ardenne retrouve la liberté. La ville n’est qu’un champ de ruines.
Jean-Michel Bodelet
Licencié en Histoire
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